25/07/2025
Théâtre contemporain
Compagnie Belle de nuit
Odyssée envoûtante, souffle de feu.
C’est une claque. Un uppercut poétique, théâtral et viscéral. La sœur de Jésus Christ, au Théâtre des Doms, nous propulse au cœur d’un village en ébullition, suspendu à la silhouette magnétique de Maria, sœur du Christ — non pas celui des Évangiles, mais celui d’aujourd’hui qui joue la Passion lors du Vendredi Saint réinventé pour la cérémonie de Pâques.
Théâtre des Doms
jusqu'au 26
à 16h15 durée 1h15
Tout commence au lendemain d’un drame. Maria, sublime et muette, traverse son village armée d’un Smith & Wesson pour retrouver l’homme qui l’a agressée.
Une traversée, une quête, une traque. Et tout le village — littéralement — la suit, emporté malgré lui dans cette odyssée vengeresse. Le public est happé dès les premières secondes par la voix unique du narrateur, haletante, ininterrompue, incantatoire.
Un souffle qui ne faiblit jamais, un chant d’un seul tenant, à la manière d’un griot ou d’un chœur antique moderne.
Maria ne parle pas. Et pourtant, on la connaît intimement. Son enfance, ses secrets, ses blessures, sa sensualité, ses absences, sa rage contenue, son mystère, sa solitude sublime… tout cela est restitué par la parole du narrateur, qui incarne à lui seul tout un village : les ouvriers, les footballeurs, le club des chasseurs, celui des motards, les commerçants, la vieille institutrice, l’amoureux secret, la" meilleure amie", les commères, les invisibles solidaires, les parents de Maria, la mère de l agresseur ....et j'en oublie. C’est un seul en scène multiple, une partition chorale offerte par une seule bouche — prodigieux tour de force d’interprétation et d’écriture.
Et la scène se peuple peu à peu. Des costumes suspendus apparaissent, flottants, fantomatiques mais incarnés, formant un chœur silencieux mais éloquent, qui entoure Maria, commente ses choix, l'encourage, la juge, la critique ou la soutient. On est entre tragédie grecque, le western biblique, et la fable cathartique, le tout accompagné par une musicienne protéiforme qui peut, selon le moment, jouer de l' accordéon ou du violoncelle ou du piano. C’est brûlant, drôle parfois, surtout déchirant.
Et puis, il y a cette image finale, gravée dans la rétine : Maria, reine d’une procession inattendue, figure christique d’un nouveau genre, qui entraîne dans son sillage tout un peuple en marche — non vers la croix, mais vers une justice à elle, implacable, organique, furieuse...face à Angelo, le couillon.
On sort de ce spectacle lessivé, bouleversé, admiratif. La mise en scène, précise, poétique, radicale, épouse à merveille le texte et son urgence. L’interprète est saisissant, entre puissance brute et tendresse infinie. Et le texte, incandescent, dit quelque chose de rare sur la communauté, la colère, la sororité, et la possibilité du soulèvement.
La sœur de Jésus Christ n’est pas un simple spectacle. C’est une chevauchée sauvage, un cri, une prière, une révolte. C’est un miracle de théâtre.
Michelle invitée des 2 M & Co pdf 🖨️