17/07/2025
Théâtre contemporain
Je n’ai pas lu Foucault : une parole brute et lumineuse venue de l’ombre
Chaque été, Avignon devient une fourmilière de mots, de corps, de cris et d’idées. Au milieu de cette profusion, certains spectacles se détachent par leur simplicité et leur force tranquille. Je n’ai pas lu Foucault, seul-en-scène porté par Céline Caussimon est de ceux-là. Ni manifeste, ni performance, mais un espace d’écoute rare, à hauteur d’humanité.
Théâtre Factory teinturier
Du 5 au 26 juillet
relâche 5, 15, 22 juillet
à 10h durée 1h
Le titre donne le ton : ici, pas de jargon universitaire ni de théorie sur la prison, la réinsertion ou la fonction savante du regard. Juste une femme qui entre en détention avec des reproductions de tableaux sous le bras, pour animer des ateliers d’écriture. Et ce sont les voix des détenu·es qui prennent le relais : leurs réflexions, leurs émotions, leurs souvenirs déclenchés par un Van Gogh, un Hopper ou un Basquiat.
Caussimon, seule sur scène, nous restitue ces fragments de pensée avec une douceur désarmante. Elle incarne, sans forcer, ceux qui souvent n’ont jamais pris la parole en public. Il ne s’agit pas de jouer à leur place, mais de porter leur voix. Et ça bouleverse.
Le dispositif est simple : des images projetées, une comédienne, et les mots récoltés. Mais la magie opère. Parce qu’il y a dans ces textes une fulgurance inattendue. Un détenu voit dans un tableau un souvenir de jeunesse volé. Un autre invente une histoire d’amour à partir d’un détail. Ce qu’ils perçoivent des œuvres est profondément singulier — parfois drôle, parfois tragique. Mais toujours profondément humain.
Ce regard décalé, éloigné des codes muséaux et des interprétations savantes, redonne au geste artistique toute sa vitalité première : celle de créer du lien, d’éveiller une émotion, de provoquer une pensée.
On pourrait reprocher au spectacle son absence de dramaturgie classique. Pas d’intrigue, pas de montée dramatique, peu de ruptures rythmiques. C’est vrai. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel : Je n’ai pas lu Foucault est une écoute mise en scène. Une tentative délicate de faire place à des voix qu’on n’entend jamais, sans les trahir.
Il y a quelque chose de profondément apaisant dans ce refus du spectaculaire. Le théâtre ici ne cherche pas à « faire », mais à transmettre. Et ça, c’est rare.
Si vous êtes curieux·se d’un théâtre de l’intime, d’une forme douce et dépouillée qui interroge notre manière de regarder les autres et les œuvres, Je n’ai pas lu Foucault est un petit bijou d’humanité à découvrir.
Pascal les 2M&Co