12/07/2025
Tragédie grecque électrisante, viscérale et lumineuse
Ô spectateur, toi qui franchis les portes d’HUBRIS,
sache que ce chant, bien que né du passé,
te parle d’aujourd’hui, des guerres invisibles,
de la voix des femmes, et de ton propre destin.
Va, écoute. Et retiens ceci :
la démesure n’est pas qu’un mythe,
elle est humaine, universelle, et éternelle
Théâtre L’Adresse
du 5 au 26 juillet
Relâche 8,15, 22
à 15 h45 durée 1h20
Parier sur l’Iliade pour captiver un public d’aujourd’hui, il fallait oser. Clara Jauvart-Lacoste l’a fait. Et avec HUBRIS, elle réussit un coup de théâtre : transformer une épopée mythologique vieille de trois millénaires en une fresque humaine, brûlante d’actualité et viscéralement moderne.
Un souffle nouveau sur les cendres de Troie.
Pas d’adaptation scolaire ici, mais une réinvention audacieuse. HUBRIS n’est pas L’Iliade, c’est son ombre portée, son revers intime. L’histoire se concentre sur le camp grec, loin du tumulte troyen, pour mieux sonder les âmes. On y croise Achille, figure orgueilleuse rongée par sa quête de gloire, Patrocle, incarnation lumineuse de l’humilité, Thétis, mère déchirée, et surtout deux femmes autrefois réduites au silence par le mythe : Briséis et Chryseïs, puissantes, blessées, sublimes.
Le texte, ciselé et profond, conjugue lyrisme antique et fulgurances contemporaines. Il fait résonner la guerre d’hier avec celles d’aujourd’hui, sans jamais forcer le trait. La pièce ne nous parle pas seulement de Troie : elle nous parle de nous, de notre hubris collective, de nos rapports au pouvoir, à la famille, au pardon.
La distribution est sans faute. Louis Djabali (Achille) brûle la scène d’une intensité sombre et magnétique. Corentin Gérold bouleverse en Patrocle, frère d’âme et de cœur. Cécile Garnier (Briséis) et Léa Michelot (Chryseïs) incarnent deux visages de la douleur et de la résistance avec une justesse rare. Quant à Clara Jauvart-Lacoste elle-même, en Thétis, elle impose une présence grave, nuancée, déchirante.
Le duo de soldats, tour à tour poétiques, naïfs ou lucides, apporte une respiration salvatrice au cœur du chaos, sans jamais trahir la profondeur du propos.
Tout ici est pensé avec une intelligence scénique remarquable : la tente blanche unique qui devient palais, camp, tombeau ; les lumières dignes d’un film ; la bande sonore électronique, organique, presque rituelle, qui traverse la pièce comme une fièvre. Le moment où la tente s’effondre, arrachée par Achille, est un choc visuel et symbolique d’une force rare.
Le contraste entre dépouillement scénique et richesse émotionnelle donne à HUBRIS une densité peu commune. C’est beau, fort, cruel, lumineux.
HUBRIS est plus qu’une réussite artistique : c’est un cri. Une œuvre d’autrice, de troupe, de convictions. Une tragédie pour notre époque, où les héros vacillent, où les femmes parlent enfin, où la guerre n’est plus légendaire mais profondément humaine.
À Avignon, où les propositions abondent, certaines brillent plus que d’autres. HUBRIS est de celles-là. Ne la manquez sous aucun prétexte.